C’est le premier contrat public-privé dans le secteur de l’eau en Tunisie. L’Office national tunisien de l’assainissement (ONAS) vient de conclure un contrat avec le groupe français de gestion de l’eau et des déchets (SUEZ). Le contrat signé il y a trois jours, concerne l’assainissement des eaux usées des 960 mille habitants répartis sur quatre gouvernorats, Sfax, Gabès, Médenine et Tataouine. En vertu de ce contrat, le groupe français prendra en charge l’exploitation et la maintenance de 14 stations d’épuration d’eaux usées, 106 stations de pompage outre les 1900 kilomètres de réseau d’assainissement. D’après le communiqué du groupe SUEZ, le contrat prévoit la réhabilitation des stations d’épuration comme il consiste en la réalisation des travaux supplémentaires pour la réutilisation des eaux usées pour le secteur agricole. Le contrat qui s’étale sur dix ans, devrait assurer annuellement le traitement d’environ 39 millions de m3. Il est financé par la Banque Mondiale (BM) à hauteur de 200 millions d’euros alloués aux travaux de réhabilitation et d’extensions des infrastructures. L’exploitation et la maintenance des stations d’épuration et de pompage et du réseau d’assainissement seront assurées par l’ONAS. Aucun détail n’est révélé à propos le coût à supporter par la Tunisie dans le cadre de ce projet.

De toutes les façons, le contrat de concession étalé sur 10 ans intervient dans un contexte de plus en plus critique en Tunisie. Le déficit pluviométrique provoque la baisse à hauteur de 28% des réserves des 33 barrages installés à travers le pays. Les données du ministère de l’Agriculture de la pêche et des ressources hydrauliques confirment le constat avec un stock global de 716,7 millions de m3 sur l’ensemble des barrages. Techniquement, la Tunisie fait face à une pénurie d’eau et la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE) qui détient le monopole de distribution décrète déjà le rationnement de la consommation des eaux. L’usage de l’eau courante est ainsi interdit pour des activités agricoles, l’irrigation des espaces verts, le nettoyage des lieux publics ainsi que les activités des stations de lavage des automobiles. La situation est de plus en plus alarmante avec la baisse de l’offre nationale annuelle sous la barre du seuil de la pénurie absolue fixé à 500 m3 pour chaque habitant. D’ici 2030, la Tunisie serait confrontée à une pénurie d’eau sans précédent. Le constat tel qu’il est révélé par la BM dans son dernier rapport fait état d’une crise de plus en plus aigue à cause de l’augmentation de la demande en eau en Tunisie. Le rapport intitulé « Aspects économiques de la pénurie d’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : Solutions institutionnelles » prévoit une pénurie absolue d’eau dans toute la région comme il recommande une série de réformes et d’actions telles que la sensibilisation des citoyens, l’installation des stations de dessalement des eaux de la mer ainsi que les investissements nécessaires pour minimiser les fuites en eaux. D’après le rapport, 30% des eaux distribués sont perdus à cause des infrastructures amorties. Ce constat est d’ailleurs révélé par l’Observatoire Tunisien de l’eau (OTE), qui confirme que la perte annuelle d’environ 400 millions de m3 (soit 33% des eaux distribuées) à cause de la détérioration des réseaux de distribution des eaux gérés par la SONEDE. L’OTE évoque également les quantités énormes perdues dans les circuits agricoles qui s’accaparent 77% de la consommation nationale des eaux. À cet égard, l’Union tunisienne de l’agriculture et la pêche (UTAP) prévoit une baisse de la récolte céréalière à hauteur de 50% pour descendre à hauteur de 3,5 millions de quintaux et la production nationale ne peut couvrir que 25% des besoins du pays. Les agriculteurs évoquent également une baisse importante au niveau de la production des tomates et des piments à cause de la sècheresse. C’est simple la pénurie en eau en provoquerait d’autres.

Zied DABBAR