Par Raouf KHALSI

L’enseignant ne sera jamais ce prophète que glorifie le célèbre adage arabe. Il y manque l’élévation messianique, la capacité de transcender les conflits, parce que, d’une façon générale, l’enseignement n’est plus un sacerdoce. Mais, haute béance, l’arène où les enjeux génèrent toutes les cassures. C’est l’ère des ruptures…

L’enseignement est en rupture avec lui-même, avec ses valeurs, avec son environnement. Il se rebiffe parce que les enseignants (revers de la médaille) ne peuvent pas indéfiniment vivre d’amour et d’eau fraîche.

Mais là où le bât blesse, c’est lorsqu’on opte pour les solutions extrêmes.

On parle d’élèves (qui représentent le quart de la population) pris en otages. Formule mille fois reprise, mais qui n’émeut plus personne.

C’est aussi le tribut de très longues années (depuis déjà le régime Ben Ali et même avant) d’incurie, de clochardisation des enseignants et tout bonnement d’un enseignement à deux vitesses.

Bienvenue à la Consultation nationale sur le système éducatif. Les résultats ne seront toujours qu’à teneur technique, réformatrice. Mais, sur le fond, infléchiront-ils une harmonisation organique, corporatiste, dès lors que les revendications du syndicat sont matérielles, tandis que le souci premier de l’Etat est d’ordre éthique et, par-dessus tout, réformateur ?

C’est là l’urgence première. On ne peut pas comptabiliser éternellement les abandons scolaires dans la case des pertes et profits. 100 mille abandons chaque année : le pays qui a bâti ses objectifs à l’aune de l’indépendance sur l’enseignement, risque de déchanter.

Cette année scolaire s’oriente elle-aussi vers un désenchantement de plus. A moins de protocole bien ficelé entre le syndicat, sur lequel trône Lassâad Yacoubi, et le ministère de l’Education, pris en charge par Mohamed Ali Boughdiri, certes au pedigree syndicaliste, mais qui doit aussi intégrer certains équilibres vitaux dans sa gestion.

Le président de la République fut bien inspiré de le nommer à la tête du ministère. C’est que l’entente finit toujours par s’installer entre syndicalistes. Boughdiri et Yacoubi ne peuvent pas ne pas être du même côté. Mais ils ne sont pas du même bord. Du moins, en ce moment.

Les tractations ont démarré. Sauf que la position de la Fédération de l’enseignement secondaire (de l’enseignement de base aussi) reste irréductible.

Du coup, des scénarii cauchemardesques commencent à tarauder les parents d’élèves : rétention des notes, première phase, puis risque d’année blanche et passages de classes systématiques.

Le niveau des élèves ? Dans de pareilles conditions, sans échelles de valeurs, on n’en saura rien.