Par Raouf KHALSI

Ce pays a besoin de se reconstruire une vérité.

Il a besoin de sortir de son mensonge « séculaire » et de se purifier. Il n’a pas besoin non plus de prêter le flanc aux marchands d’utopies. S’il est vrai qu’on ne reconstruit pas un Etat à coups de barricades, il est tout aussi vrai que ceux qui ont floué et instrumentalisé le peuple durant une décennie noire, gagneraient à faire leur Mea Culpa, plutôt que de s’entêter à foncer droit dans un mur. Ainsi de la secte qui a géré le pays, ses biens, ses femmes et ses hommes à coups de mystifications. Elle est toujours dans sa logique du marionnettiste. Elle a commencé par notre cher président provisoire devant l’éternel, puis elle a joué la farce de la « Taqya », pour mieux rebondir et condamner Béji Caïed Essebsi à une longue agonie politique. Ce Béji Caïed Essebsi, précisément, qui l’avait anoblie dans les asphères internationales et qui croyait pouvoir tempérer la voracité satanique de l’islam politique.

Avec Kaïs Saïed, la musique a changé. Il n’est pas dit qu’il ait été infaillible dans ses choix, ni dans sa façon de concevoir la présidence du pays. On lui doit le gâchis Fakhfakh ; on lui doit surtout la catastrophe – Méchichi.

Et alors, maintenant qu’il s’est frayé un interminable boulevard pour un pouvoir drapé exclusivement d’unilatéralisme, et qu’il regarde ses détracteurs d’en haut, il serait peut-être temps qu’il communique avec le peuple, autrement que par le biais du journal officiel, autrement que par les effets d’images des visites inopinées et en dehors de la page Facebook de la présidence. On ne saurait dire s’il est prêt ou qu’il veuille s’impliquer dans un véritable dialogue national. A la limite, pourrait-il répondre que le référendum est, en soi, un dialogue avec le peuple et que sa constitution est celle qui sied le mieux au pays. Il se peut même qu’il pense, en son for intérieur, que la lutte contre la corruption prime, contorsion d’idée fixe, parce qu’il a aussi raison de voir des corrompus partout.

Et c’est comme s’il disait que la déclinaison fatalement politique d’un dialogue national ne correspondrait pas à ses desseins.

Sans doute, le bâtonnier des avocats lui a-t-il tendu une perche : « ce sera un dialogue sans les partis ». Soit. C’est à dire que la dialogue serait institutionnel, exclusivement orienté vers une sortie de crise, sachant  que les partis (surtout ceux qui sont opposés à Saïed) ont tendance à tout personnifier et à toute politiser. C’est comme si Kaïs Saïed pouvait se permettre une dérive à la Louis XIV : « l’Etat c’est moi ».

Il avait d’ailleurs déclaré, au lendemain du 25 Juillet que, jamais, il ne se laisserait tenter pas des réminiscences dictatoriales. Un peu à la De Gaulle en somme. Sauf que nous sommes en plein dans un articulation unilatérale du pouvoir. Il se peut que ce soit « provisoire » et que la conjoncture actuelle impose cette démarche. L’Histoire jugera. Elle dira que Saïed a libéré le pays du joug islamiste. Elle dira que ses trois premières années de présidence ont coïncidé avec la pire crise économique que connaisse le monde depuis longtemps et que cette crise a lourdement impacté nos frêles équilibres socioéconomiques.

Ceci pour le jugement de l’Histoire.

Quant notre réalité actuelle, elle dépendra de la vérité que nous oserons nous forger. Et de notre courage à la regarder en face.

Nous n’avons plus besoin de vivre dans le mensonge, pas plus que nous ne puissions nous acoquiner avec les utopies.