La campagne électorale pour les législatives a démarré officiellement depuis plus d’une semaine dans une atmosphère encore timide et peu enthousiaste. Les candidats qui passent quotidiennement à travers les chaines de radio ou de télévision ont l’air de passer inaperçus, surtout que cette campagne coïncide avec les matchs de la coupe du monde diffusés en cette période et que la majorité des Tunisiens préfèrent regarder assidument plutôt que de suivre les interventions des différents candidats. De plus, bon nombre de Tunisiens ne semblent plus y croire vraiment, étant par le passé, chaque fois qu’il y a eu des élections, matraqués par les beaux discours mielleux qui se disaient prometteurs et rassurants pour l’avenir du pays et des citoyens, alors que les choses vont de mal en pis dans tous les domaines depuis la révolution.

Il est vrai que cette fois, les choses ont changé suite à la décision présidentielle d’abandonner le scrutin proportionnel (listes) pour choisir le scrutin majoritaire uninominal (individus). Les Tunisiens, eux, ont donc intérêt de connaitre tous les candidats de la circonscription électorale où ils habitent, ayant la conviction que chacun d’eux va exprimer les revendications des citoyens et défendre leurs intérêts dans la prochaine Assemblée Nationale. Cependant, il y a toujours le risque que ces électeurs soient manipulés ou influencés par certains candidats chauvinistes aux tendances régionalistes qui, d’après leurs discours diffusés sur les médias ou à travers les réseaux sociaux, révèlent des illusions trompeuses et abusives.

Ces candidats qui donnent une fausse apparence

On a beau appeler les candidats aux élections à ne pas tromper les Tunisiens, à leur promettre le possible au lieu de les berner avec des chimères ! Mais en réalité, chacun de ces candidats n’a que des promesses à donner pour mener sa campagne électorale. Ils ont tous l’art de persuader, de convaincre, moyennant des propos exagérés et parfois mensongers. La crise politique et socio-économique qui s’abat depuis des années sur le pays est tellement grave et complexe qu’ils n’ont pas la capacité de la désamorcer, à moins qu’ils n’aient une baguette magique. En effet, tous parlent dans leurs discours respectifs de faire face à ces crises, de sortir le pays de la situation catastrophique où il s’est enlisé et de stopper la souffrance des citoyens due aux pénuries des produits alimentaires et de la cherté de la vie. Or, ils se trompent grossièrement et trompent le peuple !  Dès lors, on assiste depuis plus d’une semaine à des discours électoraux pareils à des slogans publicitaires mensongers ! Chacun vante ses « programmes » qui sont soit très ambitieux, soit très chimériques, sinon très superficiels qui n’ont aucun rapport avec la réalité vécue.  Certes, il y a, parmi les citoyens, ceux qui applaudissent les propos de ces candidats et sans doute qui les acclameront une fois arrivés au parlement.  Mais aussi, il y a ceux qui les dénigrent, sous-estiment ou en rient carrément, car pour eux, ce ne seront que de mauvais candidats appelés à représenter le peuple. D’ailleurs, les réseaux sociaux s’en amusent à travers les pages face book où certains décrivent cette campagne électorale comme étant un spectacle navrant, lamentable, voir hilarant, à en juger par les propos tenus par ces futurs représentants du peuple !  Pour ne citer que quelques exemples parmi les commentaires des facebookers, on relève les commentaires suivants : « Ce n’est que des paroles en l’air ! », ou « On en a marre, le peuple n’y croit plus ! » ou encore : « Le peuple doit se méfier de ces candidats qui se montrent comme des agneaux doux alors qu’en réalité ils sont des loups ! »  D’autres voient que la plupart de ces candidats sont excentriques, incohérents et bizarres dans leurs discours adressés au peuple. De l’avis général, beaucoup de Tunisiens ne sont ni confiants ni convaincus quant à donner leur voix à de tels candidats pour qu’ils soient leurs représentants au futur parlement. D’autres internautes s’acharnent, non sans ironie, sur l’aspect physique ou vestimentaire de certains candidats ou sur leurs niveaux instructifs et intellectuels, ou même sur leur façon de parler. C’est surtout l’absence des partis politiques qui, selon certains observateurs, rend cette campagne moins chaude, moins retentissante et surtout très folklorique et peu fiable, car une campagne électorale a toujours été chez les Tunisiens, une sorte de fête, de réunions, d’assemblées et de spectacles d’animation organisés par les candidats de différents partis qui sillonnent le pays de long en large pour solliciter les voix des citoyens. Ce qui manque énormément dans les législatives de décembre 2022.

Une poignée de femmes au milieu de machos !

D’après l’instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), 1429 candidats se sont présentés aux législatives du 17 décembre. Les hommes se taillent la part de lion, avec 1214 postulants, contre seulement 215 candidatures féminines et ce, après les trois jours de prolongation du dépôt des candidatures accordées par ladite instance. Autrement dit, le pourcentage des femmes candidates aux législatives prévues pour le 17 décembre 2022 n’a pas dépassé les 15% contre 85% d’hommes, D’après ces chiffres, il s’avère que la parité hommes-femmes est piétinée dès le dépôt des candidatures aux prochaines élections législatives. Cela est certainement dû à la nouvelle loi électorale introduite par le président tunisien le 15 septembre qui a éliminé le principe de parité entre les sexes dans les assemblées élues en Tunisie, ce qui va par conséquent, aboutir à un parlement tunisien presque exclusivement dirigé par des hommes. Pourtant, la parité hommes-femmes figurait dans la précédente loi électorale, laquelle visait à garantir une représentation égale des hommes et des femmes dans les assemblées élues de Tunisie.  De telles mesures sont préjudiciables aux femmes, puisqu’elles contribuent à leur exclusion des élections législatives, surtout que la majorité des femmes ne disposent pas de réseaux influents dans leurs régions respectives comme les hommes qui peuvent, grâce à leur argent ou leur autorité, leur pouvoir ou leur rayonnement local ou régional, garantir le nombre exigé de parrainages. Dans ce cas, les chances de victoire des femmes candidates restent minimes et bien inférieures à celles des hommes. Serait-ce un retour vers l’arrière en abolissant le droit de la parité hommes-femmes au parlement ? Les femmes tunisiennes craignent vraiment de perdre les protections qu’elles ont acquises depuis l’indépendance du pays. On redoute vraiment que ce coup porté au principe de parité dans la candidature au parlement ne s’étende un jour pour toucher à d’autres acquis réalisés jusque-là par les femmes tunisiennes dans d’autres domaines.

Hechmi KHALLADI