Où va-t-on ? Le système de santé s’effondre lui-aussi, parce qu’en dehors des problèmes structurels, il est devenu un exutoire pour des citoyens n’ayant plus confiance en rien, et le purgatoire tout indiqué pour le personnel de santé. On ne compte plus les agressions (et surtout dans les urgences) miroir, entre autres, du déficit de la citoyenneté. C’est la loi du Talion qui est érigée en règle absolue. Pourtant, les Blouses blanches ont des comportements héroïques (oublie-t-on les années noires Covid ?) et ne cessent de se déployer corps et âme, alors qu’elles manquent de tout et de moyens pour faire face aux exigences et aux urgences.

Et l’on continue de déplorer l’exode de nos médecins et du personnel paramédical !

Cette semaine, le président de la coordination nationale des cadres de la santé a annoncé qu’un infirmier a été agressé par une femme, au service des urgences de l’hôpital Charles Nicole. Par la suite la dame est allée se plaindre en lançant de fausses accusations contre l’infirmier en question. Ce qui a conduit à son arrestation. La même source a assuré que le personnel de santé allait organiser des sit-ins de protestation et des arrêts de travail intéressant les services des urgences, dans toutes les régions du pays, pour protester contre les violences à ciblant le personnel soignant, et pour demander la libération de leur collègue.

Facteurs de causalité multiples

Les agressions à l’encontre du personnel de la santé, qui travaille de longues heures, qui passe des nuits blanches à faire des gardes, qui n’a plus de vie de famille stable, constituent un danger potentiel inhérent à l’activité hospitalière. Les situations de violence sont très diverses, elles ont des facteurs de causalité multiples. Ce phénomène de plus en plus récurrent, est devenu monnaie courante en Tunisie et conduit à de lourdes conséquences, notamment, l’exode de nos compétences médicales vers d’autres pays qui offrent de meilleures opportunités de travail, des absences au travail, la détérioration de la qualité de soins, la démotivation… Comment le personnel médical peut-il exercer quand il est constamment menacé d’agressions physiques ?

Le Conseil national de l’Ordre des médecins de Tunisie a déploré à maintes reprises l’aggravation de ce phénomène d’agression et mis en garde contre le danger et les conséquences des violences dans les structures sanitaires, tout en estimant qu’il s’agit de la principale cause de la fuite des médecins à l’étranger, leur réticence à revenir en Tunisie pour exercer leur profession et par aussi le manque de médecins dans les régions intérieures. De ce fait, l’Ordre des médecins a appelé le ministère de la santé et toutes les parties intervenantes à garantir la sécurité de l’ensemble du personnel et de tous les établissements sanitaires, en réclamant une loi incriminant les violences contre le personnel médical.

Conditions de travail lamentables

Comment un personnel médical assailli par la peur d’être agressé à tout moment, peut-il continuer à travailler avec enthousiasme et donner le meilleur de lui-même face à de telles situations ? Les médecins fuient le pays avec amertume par centaines par manque de moyens dans les hôpitaux, manque de reconnaissance, des salaires misérables, des conditions de travail lamentables… et être en plus agressé et non protégé, est totalement inadmissible ! Manifestations et sit-in n’ont mené à rien, aucun effort de réforme n’ayant abouti, nos soldats en blouses blanches ont décidé de se sacrifier ailleurs. Leur fuite vers de nouvelles opportunités, de nouveaux horizons, s’est nettement intensifiée durant ces dix dernières années alors que le secteur de la santé agonise.

Combien de personnel médical devra-t-il encore être agressé avant que les autorités concernées ne prennent le problème plus au sérieux ? ces gens qui font tout pour sauver des centaines de vies chaque jour, ne méritent-ils pas plus de reconnaissance et plus de protection ? Bientôt, aucun médecin n’acceptera de travailler dans le secteur public. On souffre déjà d’un grand manque de personnel médical dans les hôpitaux, essayons de préserver au moins ceux qui résistent encore à ces situations lamentables. La santé est notre bien le plus précieux. Se contenter de condamner les violences sans réagir effectivement, sans changer les lois, sans imposer des règles, cela ne changera pas la situation. Arrêtons de faire la sourde oreille !

 

Leila SELMI