Camilla devient reine consort après la mort d’Elizabeth II, mais le fantôme de la princesse Diana est toujours là, derrière elle. La consécration aura mis plus de 20 ans à venir. Longtemps mal aimée, Camilla, 75 ans, la deuxième épouse du prince Charles, devient reine consort avec l’accession de son mari au trône, après la mort d’Elizabeth II ce jeudi 8 septembre. Longtemps, les Britanniques l’ont considérée comme une briseuse de ménage, pour avoir été la maîtresse de Charles lorsqu’il était marié avec la princesse Diana. Et son futur titre avait fait l’objet d’innombrables débats, avant qu’Elizabeth II tranche en février à l’occasion de ses 70 ans de règne. Elle avait alors exprimé « le souhait sincère » que Camilla soit connue « comme reine consort » quand Charles accéderait au trône.

Mais le fantôme de Diana est toujours là, derrière elle, alors qu’elle s’apprête à marcher dans les traces du prince Philip. À l’annonce de la mort d’Elizabeth II, beaucoup ont d’ailleurs eu une pensée pour « la princesse du peuple », décédée en août 1997 dans un accident de voiture, et l’ont partagé sur les réseaux sociaux. Au point d’ailleurs qu’en Grande Bretagne, en France et dans d’autres pays « Diana » figurait dans les sujets les plus discutés sur Twitter, jeudi soir. En Tunisie, c’est plutôt sur Facebook que la majorité des internautes ont partagé leurs pensées. Et « Lady Di » figurait aussi parmi les thèmes les plus partagés.

Pourtant, Camilla travaille sans relâche depuis des années pour la couronne britannique, avec des dizaines d’engagements par an, au point d’en être devenue un rouage essentiel. En janvier 2022, la reine l’avait faite « Dame de l’ordre de la Jarretière », le plus prestigieux de la chevalerie britannique. Mais il aura fallu du temps à celle qui est connue comme la duchesse de Cornouailles depuis son mariage avec Charles en 2005, pour en arriver là. La reine réticente n’était pas venue à leur mariage civil à Windsor. La princesse Diana, qui avait très vite compris que Camilla était le grand amour de la vie de Charles, l’avait surnommée la « Rottweiler », surnom qui la poursuivra pendant des années.

L’un des membres de la famille royale les moins aimés

Divorcée, mère de deux enfants adultes et grand-mère de cinq jeunes adolescents, Camilla, casque de cheveux blancs et décontraction bienveillante, s’est lentement imposée. Marraine de dizaines d’associations, elle s’est investie dans des sujets qui lui sont chers comme la lecture, ou les violences faites aux femmes : elle essaye de visiter des centres d’accueil aussi souvent que possible lors de ses voyages à l’étranger, a-t-elle récemment confié au magazine Vogue. Durant le Covid-19, elle a aussi lancé un club de lecture sur Instagram, où elle offre des recommandations et fait intervenir des auteurs. Elle s’intéresse aussi à la santé, aux animaux, parle aussi volontiers de jardinage.

Son sens du devoir, sa simplicité et son humour ont finalement lentement eu raison d’une partie des réticences. Sa popularité s’est redressée, mais elle reste l’un des membres de la famille royale les moins aimés, à seulement 40 % d’opinions favorables, selon un sondage YouGov de 2022. Moins de la moitié des Britanniques souhaitaient l’an dernier qu’elle devienne reine. Beaucoup pourtant reconnaissent l’impact positif qu’elle a eu sur son mari. « Les gens se rendent compte que Camilla est idéale pour Charles et qu’ils travaillent merveilleusement bien en équipe », explique le commentateur royal Richard Fitzwilliams à l’AFP.

Être dans l’œil des médias en permanence « n’est pas facile », a-t-elle confié lors de cette rare interview à Vogue en juillet dernier. « Personne n’aime être observé tout le temps et critiqué… Mais je pense qu’à la fin je suis passée par-dessus (…) Il faut continuer à vivre ». En dépit de leurs emplois du temps chargés, elle essaie de partager chaque jour un moment avec son mari, ne serait-ce que pour lire un livre chacun de son côté dans la même pièce. « C’est très relaxant », dit-elle, « parce que vous savez que vous n’avez pas à faire la conversation ».

Une campagne de séduction après la mort de Diana

Issue de la grande bourgeoisie, fille aînée d’un ancien officier reconverti dans le négoce de vin, Camilla Shand grandit dans le Sussex, avant de fréquenter les meilleurs établissements privés à Londres, puis en Suisse, avant d’étudier la littérature française à Paris pendant six mois. Elle fait la connaissance du prince en 1971, sans appartenir à la grande noblesse, elle navigue alors dans les mêmes cercles que Charles. Elle est passionnée d’équitation, un trait commun avec la reine. Elle a même quelques liens avec la famille royale. Arrière-petite fille d’Alice Keppel, une des maîtresses du roi Edouard VII, l’arrière-arrière-grand-père de Charles.

Ils ont une brève liaison mais le prince s’engage dans la Royal Navy et Camilla se marie avec l’un de ses admirateurs, le major Andrew Parker Bowles. Quelques années plus tard, elle encourage le prince de Galles, toujours célibataire, à épouser Diana, en 1981. Alors que tous les deux sont encore mariés, ils reprennent leur liaison. La presse tabloïd publiera certaines de leurs conversations téléphoniques intimes, dans une « guerre des Galles » aussi impitoyable qu’humiliante.

Avec le divorce de Charles et Diana en 1996, Camilla peut commencer à s’afficher aux côtés de Charles. Mais la mort de la princesse, en août 1997, la renvoie dans l’ombre. Le prince Charles lance alors une véritable campagne de séduction pour la faire accepter : les apparitions de Camilla, qui a toujours refusé le titre de princesse de Galles, trop lié à Diana, sont soigneusement calibrées. Se faire accepter par la famille royale, et par les fils de Charles, les princes William et Harry, n’aura pas été facile. Quand d’autres à son âge viseraient une retraite méritée, elle est déterminée à continuer son action philanthropique « aussi longtemps que possible ». « Vous ne pouvez pas abandonner quand vous êtes au milieu de quelque chose », dit-elle.

(avec agences et médias)