Par Raouf Khalsi

Dire que les affrontements entre frères d’armes étaient inimaginables jusqu’à jeudi soir relèverait d’une péremptoire myopie.  Parce que le conflit (qui ne dit toujours pas son nom) était assez « parlant », sauf que les uns et les autres se sont arrangé pour que cela couve tel un feu de braise. Jusqu’où ? Dans quel système, dans quel régime ?

Sans doute, sommes-nous face à un cas de figure pour le moins inédit. Pas tant au rapport au corporatisme parfaitement instrumentalisé par les « syndicalistes », qu’aux zones d’ombre, depuis 2013, qui font que le ministère de l’Intérieur et les forces sécuritaires soient devenus un enjeu, un enjeu politique, somme toute. La vocation républicaine de la police y est tout simplement mise en  équation.

Le feu couvait en effet. C’est que, depuis 2013, les organes sécuritaires ont ressenti le besoin pressant de « se protéger » contre toutes formes de diabolisations auxquelles elles ont fait face (et elles y font toujours face) depuis la chute de Ben Ali. De surcroît, juste par un jeu de diversion dont il a le secret, Rached Ghannouchi, au faîte de sa puissance, déclarait que « la police et l’armée n’étaient pas sûres »… Pas sûres par rapport à quoi ? Relents d’instrumentalisation encore, sinon manœuvre d’intimidation dans la tentative d’aliéner les forces sécuritaires pour les besoins de l’islam politique.

Il se trouve, par conséquent, que les forces sécuritaires vivent tiraillées au gré des systèmes, au gré des humeurs de la gouvernance, mais toujours dans la frilosité.

Il reste que les syndicats eux-mêmes sont dispersés, du moins un peu trop nombreux pour s’ériger en interlocuteur synthétisant toutes les revendications et unifiant toutes les doléances face à l’administration. Or, lorsque le dialogue est rompu, le premier réflexe de l’administration c’est de se rabattre sur la légalité.

Il est vrai qu’il n’existe pas de texte légal, ni de loi-cadre (comme l’a déclaré Taoufik Charfeddine) autorisant les retenues sur salaires pour les besoins des « œuvres syndicales ». N’était-ce pas, néanmoins, plutôt intempestif que de rompre cette pratique (parce que c’est juste une pratique) au détriment du dialogue ? Cela fait que les syndicats font maintenantt un peu trop dans la victimisation (au point de s’exprimer par des sit-in et de rompre le pacte de sang avec leurs collègues), tandis que l’administration se raidit. C’est dès lors la violence. A notre connaissance, seul l’Etat peut s’approprier les moyens de la violence et qu’il ne peut l’utiliser que conformément à la loi. C’est le principe de la baïonnette intelligente. Mais, si la violence est autant banalisée et qu’elle est le recours de ceux qui sont censés l’interdire, là, il faut interpeller l’Etat.