Par Raouf KHALSI

Après les complaintes existentielles d’Amine Mahfoudh, là où « il ne reconnait pas son bébé » (lisez : son projet de constitution), le doyen Sadok Belaïd se dédouane par rapport au texte complet publié sur le JORT par la présidence. Ce n’est pas ce qu’aurait préconisé et sur quoi aurait travaillé (à en croire Sadok Belaïd) le comité consultatif désigné par le Président pour échafauder le projet de nouvelle constitution. Du coup, Sadok Belaïd, qui écumait les plateaux (Amine Mahfoudh, à un degré moindre) pour expliquer, comme en terrain conquis, les choix et les orientations de « son » texte à lui, donne l’impression de se sentir floué.

S’y attendait-il ? Oui et non. Oui, dans le mesure où il avait, à plusieurs reprises, rappelé que le dernier mot reviendrait au commanditaire du texte. Non, dans la mesure où il ne prévoyait pas que les rectifications opérées à Carthage allaient changer bien des chapitres, dans le sens de la modération.

Aurait-il le sentiment d’avoir été, démystifié, lui, le grand constitutionnaliste ? Sinon, roulé dans la farine ? Perdrait-il la face, surtout, aux yeux des autres doyens ayant tout bonnement refusé de s’engager dans ce processus ?

Dans l’une de ses interventions sur Al Watanya 1, Sadok Belaïd excluait presque systématiquement cette éventualité. Il prenait pour exemple De Gaulle qui, disait-il, avait chargé une commission pour préparer la constitution de la Vème République et qui n’y a rien touché.

Sauf que De Gaulle en avait tracé au préalable deux lignes majeures : une constitution qui ne soit plus à la discrétion des partis (donc, la fin du régime parlementaire) et un Président élu au suffrage universel et au-dessus des partis.

Naturellement, la constitution française n’avait pas à en découdre avec l’identité et la religion. Sadok Belaïd s’est fait fort de réussir la prouesse d’éliminer ce controversé article 1er de la constitution de 1959, d’ailleurs reconduit dans celle de 2014, « la meilleure constitution du monde ». Sauf que, si l’Etat n’a plus de religion, c’est la « Oumma tunisienne » qui est musulmane : il y aurait à démêler l’écheveau. Puis, encore, la charpente socioéconomique, chère au doyen et annoncée avec triomphalisme, se dilue dans la mouture de Saied…

Ce qui est sûr, c’est que le débat s’installe.