Par Raouf KHALSI

C’est peut-être la première fois, depuis longtemps, que la Centrale syndicale ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Actuellement en conclave, elle s’apprête à « décréter » son verdict à propos d’un dialogue national qui n’est pas à son goût, parce que, selon elle, ses contours sont déjà ficelés et que, finalement, elle aura juste le choix entre se soumettre ou se démettre.

Libre au Président de choisir le doyen Sadok Belaïd pour diligenter cette Instance consultative dont les travaux sont globalement orientés vers la nouvelle République. Grand spécialiste de droit constitutionnel, Sadok Belaïd n’aura pas à jongler sur les genres, comme lors de la confection de « la meilleure constitution du monde », formule brandie triomphalement par Mustapha Ben Jaafar. A l’époque, Sadok Belaïd prônait un certain « panachage » (c’est son terme). C’est-à-dire qu’il prônait un mixage entre parlementarisme et présidentialisme.

Cette Instance doit tout mettre sur pied en l’espace d’un mois. Entre-temps, l’ISIE est dans la grogne : délais trop serrés en vue du référendum du 25 juillet. Référendum que Saied drape symboliquement des moments de ferveur de 1959, à la naissance de la République.

Sauf que ce que   craint le plus la Centrale syndicale, c’est que le retour irréversible au régime présidentiel ne décline en monarchie présidentielle, comme ce fut le cas avec De Gaulle à la naissance, en 1958 de la Vème République et l’adoption de l’élection présidentielle au suffrage universel. Et comme ce fut le cas de Bourguiba dès 1959, date à partir de laquelle il s’est employé à mettre au pas l’UGTT, à noyauter Ahmed Tliti de l’intérieur, jusqu’à jeter  Habib Achour en prison en 1978 !

A bien y réfléchir, l’UGTT ne réclame un rôle de premier plan dans le dialogue national que pour mieux se prémunir contre des velléités hégémoniques venant du pouvoir. Instinct de conservation, donc, sous-tendu par le dialogue national, d’abord. Les négociations sociales, ensuite.

Nous imaginons bien que Kais Saied intègre la dimension historique et la force de frappe de la Centrale syndicale. Celle-ci lui rappelle constamment qu’elle a été la première à adhérer au tournant du 25 juillet. Sauf que, pour elle, il y a désormais deux 25 juillet…Et c’est à Saied de trouver le moyen d’arrondir les angles…