Kais Saied est donc résolu : il faut changer le régime ! Il ne s’est pas précisément exprimé en ces termes, mais il en a annoncé la couleur à l’occasion de la célébration du 22ème anniversaire du décès du Zaim. Et l’on se doute bien que ce ne sont pas là des vœux pieux, ni qu’ils aient été dictés par une inévitable osmose : quand on est devant Bourguiba, inévitablement, c’est la République qui ressurgit et, au-delà, c’est le régime présidentiel qui vient remuer les fantasmes. Plutôt, Saied est dans sa logique à lui : « refaire la Tunisie », quitte à imposer des mesures rédemptrices, quitte à faire table rase du passé lointain et proche.

Les techniques ? On commence déjà par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, puis on passera au référendum, avant de tout boucler avec des Législatives auxquelles ne participeront pas tous ceux qui se sont mêlés à la vie publique depuis Ben Ali, jusqu’à ceux issus de la IIème République. C’est-à-dire, la République bananière de cette dernière décennie.

En fait, l’attachement à la République est dans l’ordre normal des choses. On ne saurait faire autrement. Parce qu’autant la Monarchie fascine, autant la République intrigue. Un monarque peut régner, mais en présidant (Hassan II). Le hic, c’est lorsqu’on est président et qu’on préside en monarque présidentiel (Bourguiba et De Gaulle à ses heures).

Kais Saied s’en défend. Mais ses schémas républicains sont anti-conventionnels. C’est là que Proudhon a raison : « La république est une anarchie positive », dit-il.

Réformer le Code électoral est une revendication politique et populaire. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Et, si Béji Caid Essebsi n’avait pas eu un ultime sursaut revanchard en refusant de parapher le texte adopté par le Parlement, peut-être que le paysage politique aurait été autre autre.

C’est que « la meilleure constitution du monde » est née avec une malformation : le scrutin dérivant de la proportionnelle et fait sur mesure pour la razzia d’Ennahdha et pour mieux émietter les autres formations. Dans une exclusive déclaration au Temps, Jean Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel français, nous alertait, déjà en 2011, quant aux risques que représente la proportionnelle.

Le mode uninominal majoritaire à deux tours ne doit-il pas être assorti de garde-fous contre les dérives populistes ?

Apparemment, le président est prêt à courir ce risque, pourvu d’en finir avec tous les avatars de la IIème République. En d’autres termes, le parlementarisme de façade. Il a la certitude que le référendum appellera au retour au présidentialisme.

Changer la République, passer à la IIIème ? Oui. A condition que la République « s’appelle Liberté et qu’elle s’appelle chose publique ». C’est encore Hugo qui parle.

Raouf Khalsi