L’affaire BFT, le dossier de corruption le plus ancien et le plus lourd dans l’histoire de la Tunisie. Un dossier qui traîne depuis les années 80. Plus de trois décennies de tohu-bohu, de litige international, de faux et d’usage de faux… Un scandale politico-financier par excellence ! Plusieurs responsables ont croupis derrière les barreaux sous le régime du despote. Après la révolution, ce même dossier a fait l’objet de surenchère politique et de chantage. Soupçon de falsification, crédits sans garanties et hommes politiques aux bancs des accusés. L’affaire ne connaît pas encore son épilogue. La BFT a fermé avant-hier officiellement ses portes et le gouvernement enclenche la procédure de liquidation judiciaire de la banque.

Après l’échec d’une tentative de médiation, le CIRDI (centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) a repris le 10 février 2022 la procédure d’arbitrage après sa suspension depuis novembre 2020 à la demande des deux parties au litige à savoir : ABCI Investments Limited c. et la République tunisienne. Le litige est né des suites de la privatisation de la Banque Franco-Tunisienne en 1981. Il a donné lieu depuis 1987 à de nombreuses procédures en Tunisie, en Angleterre et en France. L’ABCI déplore une « expropriation déguisée » de ses actions dans le capital de la BFT et sollicite la « restitution de ses actions représentant 53.6% des actions avec droit de vote, ou subsidiairement au paiement de la valeur actuelle de l’investissement, ainsi qu’au paiement de divers dommages et intérêts ».

Après 10 ans de juridiction (entamée en 2007), en juillet 2017, le CIRDI a condamné l’Etat tunisien à payer des dommages et intérêts estimés à 1 milliard de dollars. L’Affaire court toujours.

Entre temps, le gouvernement semble passer à la vitesse supérieure en procédant à la liquidation judiciaire de la banque, question de se débarrasser d’un lourd legs, très lourd même qui pourrait enfoncer le trou.

Selon Noomane Gharbi, secrétaire général de la Fédération générale des banques et des institutions financières auprès de l’UGTT, la banque a été officiellement fermée le 25 février. Les agents de la banque ont été interdits hier d’entrer Il a déclaré sur les ondes de Mosaïque.fm que cette fermeture est la première de l’histoire du système financier tunisien et qu’elle aura des répercussions négatives sur le pays. Une réunion devrait être tenue avant hier entre le Secrétaire Général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, les représentants de la banque franco-tunisienne (BFT) et la Fédération générale des banques et des établissements financiers pour discuter des moyens de préserver les droits des agents de l’établissement bancaire. La solution à laquelle pense le gouvernement, c’est que ces agents seront dispatchés sur d’autres banques.

Rappelons que la Banque Franco-Tunisienne (BFT) était initialement une banque privée appartenant au français Raoul Daninos. Elle a été nationalisée par l’Etat tunisien au début des années 1960 avant de la privatiser dans les années 1980, par une augmentation de capital dédiée à un partenaire privé. Le fonds d’investissement ABCI Investment limited (détenu pour moitié par Abdel Majid Bouden) a décidé d’acquérir BFT en 1982. ABCI est devenue en juillet 1984 actionnaire de la BFT, détenant 53.6% des droits de vote, aux côtés de l’actionnaire minoritaire originaire, la STB. En 1989, la BFT était placée sous administration judiciaire et son président administrateur a été condamné des peines d’emprisonnement pour abus de biens sociaux.

 

Yosr GUERFEL AKKARI

 Voir le communiqué de la de la Commission de Résolution des Banques et des Etablissements Financiers