Par Badreddine BEN HENDA

La nostalgie est en fait une façon d’avouer qu’on n’a pas réussi à améliorer le présent. Aujourd’hui, la plupart des Tunisiens sont nostalgiques d’une époque révolue : les années 1950, 1960, 1970, les eighties, les nineties. Il y en a qui regrettent Bourguiba, d’autres pleurent Ben Ali ! On rencontre même des nostalgiques de Moncef Marzouki. Qui sait ? Demain, nous aurons peut-être des pleureurs de Ghannouchi ou de Saïed !

C’est comme un destin désormais : nous sommes condamnés à avancer en nous lamentant sur ce qui n’est plus ! Ce qui ne s’appelle pas « avancer », en vérité ! On n’avance pas en regardant derrière soi ! La Tunisie actuelle est trop dans le rétro ! Aucun repère vert l’avant ; mais trop de repères en arrière ! Tout un peuple se concentre uniquement sur son rétroviseur, par peur du présent et de l’avenir ! Un peuple qui a peur de son présent et de l’avenir n’a ni présent ni avenir !

Si au moins nous savions préserver nos trésors du passé : nous aurions sans doute retenu des leçons pour savoir gérer notre présent et construire notre avenir ! Chez nous, ni les gouvernants ni les gouvernés n’apprennent grand-chose du passé, même le plus proche ! Nous oublions vite ce qui a fait le succès des Anciens et aussi ce qui a causé leurs échecs respectifs. Bourguiba et Ben Ali eux-mêmes s’étaient trompés en tournant le dos à certains facteurs de réussite; mais voilà que leur bilan global s’avère meilleur que celui de tous leurs successeurs réunis !

La tendance paradoxale après la fameuse « Révolution » de 2011, a été de revenir sur les bons acquis du passé : constitution, régime politique, paix sociale, concorde idéologique et religieuse, stabilité économique et financière ! Au nom du « changement », on a tout mis sens dessus dessous après la chute de Ben Ali. Les changements valaient presque tous périlleuses puis désastreuses régressions.

L’auteur de cette chronique semble donner cours à ses propres épanchements nostalgiques ! Non ! Mais il déplore que le passé nous empêche d’avancer : il aimerait bien que ce passé nous serve de stimulant, de facteur dopant pour vivre mieux le présent et voir en rose le futur ! Les peuples forts procèdent ainsi face au réel, quelque difficile qu’il puisse être ! Ressuscitons Bourguiba et tous nos héros d’hier; mais pour réaliser les projets qu’ils n’ont pas concrétisés ou qu’ils n’ont pas achevés. Notre rôle doit compléter le leur; notre mission est de rêver un peu plus qu’eux pour le bien de la Tunisie et de ses habitants. Et d’aller plus loin qu’eux dans l’édification de ce grand petit pays surpeuplé de rêveurs !