Avec ou sans parti, rares sont celles et ceux qui accèdent au graal de la candidature officielle à la présidence de la république. Pourtant, nombreux sont les « petits candidats » à emprunter le chemin sinueux de l’Élysée tous les quatre ans. Tour d’horizon.

A la fin, il n’en restera qu’un. Un seul sur les 44 candidats (plus ou moins officiels) en course pour l’Élysée si l’on en croit le site du Conseil Constitutionnel dédié à l’élection présidentielle 2022 (le dimanche 10 avril 2022 pour le premier tour et le dimanche 24 avril 2022 pour le second tour). Sur ce dernier, est publié deux fois par semaine la course aux parrainages des candidats depuis le 1er février. Si tous les regards sont tournés vers Éric Zemmour et les têtes d’affiche, quid des dizaines de personnes qui se revendiquent candidats ? Qu’est-ce qui les fait courir ? « Pas l’idée de devenir président de la République », assure Martin Rocca. Le parisien de 22 ans est le plus jeune candidat à l’élection suprême cru 2022. Alors même qu’il doit voter pour la première fois, voilà qu’il ambitionne de voir son propre nom sur un bulletin.

« Je me suis lancé sur un coup de tête », explique-t-il. Celui qui devrait être étudiant en master d’histoire et de philosophie au moment d’écrire ces lignes, sillonne les routes de France pour porter son projet depuis l’été 2021. « Après ma double licence j’ai pris une année pour réfléchir à ce que je voulais faire. Ce que je vis actuellement c’est comme une deuxième année sabbatique », plaisante le candidat. Et de poursuivre, « je me suis beaucoup posé la question du fonctionnement de notre démocratie. De comment elle pourrait être modernisée. J’en suis venu à la conclusion qu’il fallait mettre en place une assemblée constituante ».

Bousculer le système politique en place

Le fonctionnement de notre démocratie. C’est également une question qui turlupine Clara Egger, candidate pour le mouvement Espoir RIC 2022. RIC pour référendum d’initiative citoyenne comme on a pu le voir écrit sur les pancartes des Gilets Jaunes dès fin 2018. Derrière cet acronyme, se cache la possibilité pour chaque citoyen de proposer des lois là ou habituellement il faut passer par le Parlement. « L’idée c’est d’élargir cette possibilité », ambitionne Raoul Magni-Berton, directeur de campagne de Clara Egger. « Par exemple, si je décide qu’une loi sur l’écologie me tient à cœur, je peux en dessiner les contours. Ensuite je cherche 700 000 soutiens en ligne ou via des associations pour faire valider ma proposition. Une fois les 700 000 atteints, elle est votée par référendum », détaille le directeur de campagne.

L’intérêt de Clara Egger pour le RIC n’est pas nouveau. Il trouve racine dans ce qu’elle a pu voir dans sa mise en application en Suisse où cette tradition référendaire remonte au XIXe siècle. Les citoyens helvètes ont toujours été amenés à se prononcer sur différents thèmes plusieurs fois par an. Ils ont même la possibilité de suspendre l’application des lois. Le RIC est aussi entré dans sa vie par le biais de Raoul Magni-Berton qui n’est autre que son mari. En effet, ce dernier est professeur de science politique à l’IEP de Grenoble. Il travaille sur la démocratie directe. De leur travail à tous les deux, est né un ouvrage : « Le Référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous : au cœur de la démocratie directe » (FYP Éditions). C’est sur la base de ce dernier que des associations comme Culture RIC, Article 3, ou encore Opération RIC ont proposé au couple de les représenter. « Le droit des citoyens est souvent oublié. C’est une question qui fâche », affirme Clara Egger. C’est pourquoi la chercheuse de 34 ans, professeure en relations internationales à l’université de Groningen aux Pays-Bas, a accepté la proposition. Elle entend bien incarner ce projet pour lequel elle et son mari ont été désignés.

De son côté, Martin Rocca s’est engagé par peur de voir sa proposition être galvaudée. « Au début je cherchais un candidat pour défendre mon idée. Mais mon grand-père m’a fait comprendre que si ce projet est représenté par quelqu’un du système, il sera voué à l’échec. Alors j’ai profité de ma virginité en politique pour me lancer », confie le candidat. Avec Constituante 2022, il espère rendre les institutions plus démocratiques. « À chaque élection présidentielle, la majorité des Français n’a voté pour aucun des deux candidats qui s’affrontent au second tour. Ce sont eux les grands perdants. Les élections législatives n’assurent pas correctement la représentation nationale. La minorité la plus mobilisée remporte l’écrasante majorité des sièges », se désole l’intéressé. Ainsi, il souhaiterait mettre en place une assemblée constituante avec des Français tirés au sort pour représenter un temps leurs concitoyens. « Je défends une rénovation du système politique en place. Je n’ai pas de programme de gouvernement. L’objectif n’est pas de remporter l’élection présidentielle », précise le candidat. Et d’ajouter, « nous voulons donner aux citoyennes et citoyens la possibilité d’exprimer, dès le premier tour de l’élection présidentielle, leur conviction que la rénovation démocratique de nos institutions est aujourd’hui incontournable ».

Une course parfois semée d’embûches

Si les idées sont là, il est parfois difficile de se lancer dans pareille lutte sans expérience, et ce malgré ses croyances. « Mon engagement en politique vient de ma peur de l’avenir. Peur du réchauffement climatique et de ce à quoi ma génération va devoir faire face », insiste Martin Rocca. Mais tout cela a un coût. Lui a contracté un prêt de 20 000 euros à la banque. Entre l’essence pour son tour de France, les affiches, son site internet, la plateforme de don, et la rémunération de certains de ses collaborateurs… « Ce prêt c’est aussi une manière d’apporter une garantie symbolique aux élus que je rencontre. La preuve que ce n’est pas l’aventure d’un été mais bien plus ». Dans sa quête, Martin Rocca a été rejoint par l’alpiniste Marc Batard, le premier à avoir gravi l’Everest en solitaire et sans oxygène en moins de 24 heures. Il peut également compter sur cinq autres personnes pour mener à bien sa campagne.

Dans l’équipe de Clara Egger ils sont 200 membres actifs. C’était presque une condition pour se lancer. « Je crois fort au projet. Mais aller à une élection comme celle-ci nécessite un certain capital politique. Avoir des soutiens derrière soi c’est quand même mieux », concède la candidate qui évoque au passage une campagne « fatigante entre la France et les Pays-Bas ». Côté finances, Raoul Magni-Berton explique, « on s’est lancé en amateur puis on a grossi petit à petit. Nous sommes encore à l’étape d’ouverture d’un compte mandataire financier, indispensable pour tout candidat. La demande est en cours ». En attendant Clara Egger et Espoir 2022 vivent grâce aux cagnottes. Les dépenses sont estimées entre 4000 et 6000 euros au total.

Et tout cela pour quoi ? Si les chances d’accéder au premier tour sont minces, tous assurent néanmoins être bien reçus par les élus. « On parle souvent de la difficulté d’être parrainé. Mais la réalité c’est que c’est plus difficile pour les candidats issus des partis. De notre côté, ça ne pose pas de souci car on n’apporte pas d’étiquette politique clivante. Notre difficulté à trouver des parrainages réside dans notre problème à être médiatisé en tant que petit candidat », considère Martin Rocca, qui n’a reçu pour l’heure que trois parrainages.

« On est ignoré par les grandes communes encore ancrées dans des dynamiques de partis. Pour le reste, on peut dire qu’on est bien accueillis par les maires de petites communes qui se reconnaissent dans les constats qu’on porte », analyse quant à elle Clara Egger qui ne comptait que 22 parrainages au 23 février. « Ma priorité c’est d’obtenir les signatures. Je n’irai pas aux législatives ».

L’après justement. Comment rebondir quand on a consacré plusieurs mois de sa vie à un projet qui ne verra pas le jour ? Que ce soit Martin Rocca ou Claire Egger, tous deux savent déjà qu’ils n’iront pas aux législatives (les dimanches 12 et 19 juin 2022) tant le but n’est pas de devenir élu. La priorité actuelle est aux parrainages (fin le 4 mars à 18 heures). Tous savent au fond que leurs idées gagneront un jour l’opinion publique. « Quand on est venu me chercher on avait aucune antériorité politique. Je me suis dit qu’on mourrait de notre belle mort en six mois. Aujourd’hui on a plusieurs promesses de parrainages. Il faut transformer l’essai », se félicite Clara Egger.  Ce qu’il se passe avec le convoi de la liberté, comparé parfois aux gilets jaunes, conforte Claire et Martin dans leurs certitudes. « Si on avait eu des outils comme en Suisse, nous n’en serions pas là », martèle Clara Egger. Pour Martin Rocca, le combat qu’il mène est un travail de longue haleine. « Mais ce qui me motive, c’est qu’on va devoir faire face à de plus en plus de blocages politiques. Surtout quand on voit les difficultés du gouvernement actuel à faire accepter les choses ».

Bien que pas d’accord sur la manière de rendre la démocratie plus citoyenne, les deux « petits candidats » s’accordent pour dire qu’en cas de crise, ce sont bien leurs idées qui feront l’objet de débats.

(D’après mouv’)