Menaces sur les salaires des prochains mois, puisement dans l’épargne des Tunisiens, des caisses vides, blocage des négociations avec le FMI, création monétaire « ex nihilo », faillite ou pas ? Autant de questions qui intriguent l’opinion publique.  Entre silences et longues déclarations, démêler le vrai du faux devient un enjeu économique et politique. Comme dit le dicton : « Ventre affamé n’a point d’oreilles ».  A la Kasbah, les deux femmes de fer, Najla Bouden et Sihem Boughrdiri Nemsia ne se la coulent pas douce. Un marathon de réunions dans les coulisses pour sauver les meubles. Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor français et président du Club de Paris serait de la partie. Une visite éclair qui fait couler beaucoup d’encre.

Le financement du budget de l’Etat 2022 demeure une équation à plusieurs inconnues. Face à la disette des ressources et les barricades extérieures, les besoins de financement du budget s’établissent à 18,673 milliards de dinars et les besoins de financement du trésor à 1,310 milliards de dinars, d’où la nécessité de mobiliser des emprunts de l’ordre de 19,983 milliards de dinars dont 12,652 milliards de dinars d’emprunts extérieurs. Face à cette crise de liquidité, la plus aigüe depuis des décennies, les décideurs se mettent au fourneau.

Rythme effréné de réunions

La Cheffe du gouvernement Najla Bouden a présidé mardi trois séances de travail ministérielles successives virtuelles autour des réformes structurelles pour sauver l’économie nationale, et ce dans le cadre du suivi des programmes de coopération avec les partenaires techniques et financiers. Un marathon de réunions.

La première session a porté sur l’état d’avancement de l’élaboration du programme prioritaire de réformes, en vue de conclure un accord avec le FMI en présence des ministères concernés et de la Banque centrale de Tunisie. La deuxième session a porté sur les procédures liées aux programmes d’appui financier et technique fournis par l’Union européenne (UE), l’Agence française de développement (AFD) et la Banque allemande de développement (KFW).Le plan de relance économique à court terme et les propositions et modalités, élaborés par le ministère de l’Economie et de la Planification en concertation avec les différents ministères et structures concernés, ont été au cœur de la troisième séance de travail.  Emmanuel Moulin de la partie, pour quoi faire ?

Une assistance technique de l’Hexagone semble être de la partie. Selon le quotidien Africa Intelligence, le directeur général du Trésor français Emmanuel Moulin aurait effectué une visite éclair en Tunisie pour discuter des réformes à engager en vue d’un accord, jusque-là-embrouillé, avec le FMI. « Le directeur général du Trésor Emmanuel Moulin a rappelé le soutien de la France aux réformes que doit engager la Tunisie pour obtenir de nouvelles lignes de crédit du FMI. S’il avait laissé à Paris sa casquette de président du Club de Paris, la renégociation des créances du pays se précise pourtant », rapporte Africa Intelligence.

La restructuration de la dette souveraine tunisienne serait-elle envisageable et le Club de Paris serait-il un passage obligé ou un mal nécessaire ? Tout est possible à celui qui croit. Marouane Abassi, gouverneur de la BCT a assuré en mois de décembre dernier que « La Tunisie n’ira pas au Club de Paris et qu’elle va honorer ses engagements extérieurs ».

La guerre des « tutelles »

Dans un article signé Milan Rivié et paru le 31 janvier dernier sur le site du « Comité pour l’abolition des dettes légitimes », traitant des limites d’un mécanisme international de restructuration des dettes souveraines et les alternatives possibles, l’auteur écrit : « Et si le FMI ne représente pas à lui seul un organe de restructuration des dettes, il n’en reste pas moins un acteur incontournable dans tous les espaces traitant ces questions. Club de Paris, Club de Londres, IIF, G7 ou G20, tous confèrent au FMI un rôle d’intermédiaire entre créanciers et débiteur. Il réalise les évaluations financières des pays en difficulté. Il juge de la soutenabilité de la dette du pays dans un cadre restrictif, évaluant uniquement la capacité à rembourser auprès des créanciers la dette à court terme. Il a un rôle clé à chaque étape des négociations et la signature d’un accord avec le FMI est en règle générale un préalable à toute négociation. C’est enfin lui qui garantit le suivi des conditionnalités adossées à la restructuration accordée ».

Pour ce qui est du recours au Club de Paris, l’auteur explique que : « Concrètement, un pays endetté souhaitant renégocier sa dette publique se verra contraint d’en discuter avec le Club de Paris. Dans une position des plus inconfortables, le pays débiteur se retrouve face à une vingtaine des plus gros créanciers. A cela s’ajoute la présence centrale du FMI. Toute demande est assujettie à la signature préalable d’un « accord » avec le Fonds. L’évaluation financière du débiteur est également réalisée par le FMI avec le concours des créanciers bilatéraux. Pour finir, la restructuration de la dette sera soumise à l’application stricte d’un plan d’ajustement structurel du FMI ». Et d’ajouter : « Depuis sa création, le Club de Paris revendique pas moins de 477 renégociations, auprès de 101 pays différents pour un montant dépassant les 600 milliards de dollars ».

Yosr GUERFEL AKKARI