« Aires maritimes protégées », dites aussi, en abréviation: « AMP ».  Les militants écologistes, les organismes sont généralement taraudés par l’émission de gaz à effet de serre, ballottés  qu’ils sont entre l’arrogance des grands pays pollueurs et les « loups solitaires » qui assassinent la nature. Dire que c’est, là, la face émergée de l’Iceberg (au propre comme au figuré, puisque l’Antarctique est en train de fondre) ne serait toujours qu’un truisme de plus. Sauf qu’il y a le ciel, la terre et la mer…Et en ce qui concerne cette dernière, nous sommes dans ces profondeurs révélées dans les fictions (réelles) de Jules Verne. Et ces profondeurs sont, aujourd’hui, menacées par les changements climatiques, par la bêtise humaine et, tout cela, dans ce qu’elles ont de plus cher: la biodiversité.

En toute logique, la Méditerranée, dont les premiers explorateurs ( Ulysse, nom illustre) ont saisi la dimension, émerge comme par une évidence géométrique. Aujourd’hui, cependant, la Méditerranée crie son désarroi. Et il faut la protéger, dans sa dimension de carrefour des civilisations, dans ses mystères, dans ses richesses….

C’est, dès lors, le sursaut. La prise de conscience. C’est l’émergence, aussi, d’un concept, plutôt, d’une stratégie: les Aires maritimes protégées. Le 3ème Forum dédié à ce mécanisme, et qui s’est déroulé à Monaco, a vu une percutante participation tunisienne.

Et c’est ainsi qu’à  l’occasion de la participation de notre pays à ce 3ème Forum des aires marines protégées (AMP) en Méditerranée, du 28 novembre au 1er décembre, à Monaco , Le Temps News a interviewé, Hédi Chebili, directeur général au ministère de l’Environnement  pour parler de l’engagement de la Tunisie dans la création d’un réseau d’AMP efficace, de la stratégie du ministère pour restaurer les écosystèmes marins et des nouveaux projets de conservation marine en Tunisie. Interview

Le TEMPS NEWS-Vous avez accompagné une délégation tunisienne pour participer au 3ème Forum des Aires marines protégées (AMP) en Méditerranée, qui s’est tenu à Monaco du 28 novembre au 1er décembre 2021. 

Hedi Chebili:  La Tunisie a participé, en réalité, à deux évènements qui ont eu lieu à Monaco : le premier est celui du Forum des AMP en Méditerranée ; le deuxième est l’Assemblée générale du Medfund.

Organisée par MedPAN, le SPA/RAC, le WWF et la Fondation Prince Albert II de Monaco, la 3ème édition du Forum des Aires Marines Protégées (AMP) assurera la continuité  du  processus du Forum 2020-2021 qui avait débuté fin 2020, à travers des consultations en ligne avec la communauté élargie des AMP, comprenant des gestionnaires, des décideurs politiques, des scientifiques, des acteurs économiques, des organisations régionales et internationales, ainsi que des donateurs de tous les pays méditerranéens. Des questionnaires et des échanges virtuels ont permis de faire le point sur l’état actuel des AMP et de partager une vision sur les défis, objectifs et actions prioritaires à mener en Méditerranée dans les années à venir.

Le deuxième évènement auquel la Tunisie a pris part est l’Assemblée générale du Medfund. Créé en 2015 par la France, la Tunisie et la principauté de Monaco, avec le soutien de la fondation Prince Albert II de Monaco, Medfund est un fonds fiduciaire environnemental, spécifiquement dédié au financement des AMP de la Méditerranée. Basé à Monaco, ce fonds œuvre pour une meilleure protection des AMP, en méditerranée. Il a contribué à des projets de protection, de préservation et d’assistance à la gestion de 4 AMP de la Tunisie, notamment les Îles de la Galite, Kuriat, Kneïes, Zembra et Zembretta.

 

Qu’en est-il de l’élaboration de la feuille de route post-2020 pour ces aires très importantes pour les écosystèmes marins en Méditerranée ? A-t-elle été finalisée ?

Les contributions des acteurs et participants lors du forum des AMP ont conduit à la rédaction de la feuille de route post-2020 pour les AMP méditerranéennes en cohérence avec les engagements internationaux. L’objectif de cet événement était de finaliser le contenu de cette feuille de route, qui constitue le point de départ d’une vaste mobilisation visant à assurer la protection effective d’au moins 30% de la Méditerranée, d’ici 2030.

En quoi consiste l’importance de ce forum pour la Tunisie ?

Située au cœur de la Méditerranée, une des régions les plus exposées aux effets négatifs du changement climatique, la Tunisie est particulièrement vulnérable aux phénomènes climatiques extrêmes et connaît un déclin de sa biodiversité. Par ailleurs, les côtes tunisiennes, avec plus de 1300 Km de long, forment différents écosystèmes ayant des caractéristiques propres et subissent, ainsi, des pressions différentes. Pour cela, la Tunisie veut conjuguer ses efforts et renforcer ses coopérations avec les autres pays pour mieux préserver sa biodiversité et ses écosystèmes et, ce, afin d’assurer le bien-être des générations actuelles et futures.

Qu’est-ce que les Aires marines protégées ?

Au vu de leur importance écologique, les Aires marines protégées sont des espaces délimités en mer et sur le littoral, placés sous protection. La gestion de ces zones est réglementée par un texte juridique, visant à codifier les actions réalisées sur ces aires marines, de manière « raisonnable et responsable », afin de limiter les impacts sur les écosystèmes. Les activités humaines (la pêche par exemple) sur le domaine maritime sont dès lors  réglementées  par un cadre juridique qui définit des règles d’usages tant au niveau de la fréquentation que des prélèvements. Cela dit, il existe des restrictions au niveau de ces activités. A titre d’exemple, les AMP peuvent être interdites de pêche pour des besoins de repos biologiques ou à cause des impacts de la pêche sur la biodiversité.

En quoi consiste leur rôle ?

Tout d’abord, le choix d’une « aire marine protégée » n’est pas aléatoire. On choisit une aire marine protégée, selon sa spécificité et son rôle. L’objectif étant de doubler davantage leur protection et leur  préservation, ainsi que leur gestion, le plus efficacement possible. En effet, les AMP favorisent la gestion des ressources halieutiques, garantissent les moyens de subsistance des pêcheurs, stimulent l’économie locale, créent des occasions de tourisme durable, créer des emplois et jouent un rôle dans la préservation des espèces.

Quels sont les défis et les actions prioritaires pour les AMP durant la période post-2020 ?

On peut dire que la période 2020-2030 est notre dernière chance pour sauver la Méditerranée. Si les paradigmes, les modes d’emploi et les mécanismes de gestion de ces zones ne changent pas, on risque de se confronter à des situations catastrophiques dans un futur très proche. Plusieurs espèces animales et végétales risqueraient, par exemple, de disparaitre. Nous sommes dans l’obligation de renforcer nos actions pour une meilleure protection de notre Méditerranée. Plusieurs pays sont engagés pour conjuguer leurs efforts et renforcer leurs politiques afin de mieux protéger la Méditerranée. Tout cela commence, en effet, par une action ciblée au niveau des AMP.

La Tunisie s’est-elle engagée pleinement, jusqu’ici, pour créer et gérer un réseau d’AMP efficace ?

La Tunisie ne cesse de déployer tous ses efforts pour protéger ses écosystèmes naturels, terrestres et maritimes. Notre pays s’engage dans une action de coopération avec tous les partenaires et les  acteurs pour que cette action ne soit pas uniquement prise en charge par la Tunisie, mais par l’ensemble des acteurs internationaux car, finalement, la Méditerranée est un héritage de l’Humanité. On est là pour agir, mais agir en effet, par les moyens que l’on dispose !

Qu’en est-il des objectifs en matière de biodiversité ?

Nos objectifs s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale sur la biodiversité. Ils sont en parfaite adéquation avec les objectifs qui ont été fixés à l’échelle internationale. Je le répète : l’objectif est d’assurer que 30% de la Méditerranée soit protégée d’ici 2030. J’estime, par ailleurs, que le plus important c’est d’être conscient de l’utilité de cette richesse pour le bien-être des différentes populations et de savoir œuvrer, surtout, en vue de protéger notre Méditerranée, même si cela peut sembler difficile.

Qu’en est-il de la protection des espèces ?

Le repos biologique est d’une grande importance, étant donné qu’il contribue à mieux protéger les espèces lors de la période post-reproduction et permette leur reproduction.

Le TEMPS NEWS-Quel est la stratégie du ministère de l’Environnement pour restaurer les écosystèmes marins et réaliser de nouveaux projets de conservation marine en Tunisie ? 

Dans le cadre de la stratégie du ministère de l’Environnement, quatre sites sont en projet de création en tant que AMCP (Aires marines et côtières protégées). D’ici quelques semaines, les 4 AMP de la Tunisie (les îles de la Galite, Kuriat, Kneïes, Zembra et Zembretta) seront reconnues statutairement comme AMP par la réglementation en vigueur.

Outre ces 4 AMP, le Conseil national des aires marines protégées donnera prochainement son aval pour la création d’autres AMP. J’espère sincèrement qu’on aura plus d’AMP. Il y aura, également, d’autres projets qui seront activés prochainement, dont un appel à projet lancé cette semaine pour renforcer la protection des zones méditerranéennes.

De même, nous sommes en train de réaliser des projets importants et ambitieux pour la cogestion des AMP, avec l’appui de Medfund qui soutient la mise en œuvre d’activités concrètes, essentielles à la gestion de ces espaces naturels. La Tunisie, en tant que pays bénéficiaire du Medfund, aura, certainement, d’autres financements et d’autres projets pour mieux préserver notre Méditerranée.

Quels sont les besoins de financement du gouvernement pour conserver les écosystèmes marins et les AMP ?

Je dois rappeler, tout d’abord, que les fonds sont nécessaires pour conserver la biodiversité, assurer la protection des AMP et faire face aux effets des changements climatiques. En tant que pays bénéficiaire du programme Medfund, la Tunisie a déjà bénéficié de 4.5 millions de dinars, qui s’étalent  sur 5 ans, de 2020-2025. Mais indépendamment du montant, si on n’agit pas avec les moyens qu’il faut, on risque de perdre de façon irréversible nos richesses.

Interview réalisée  par Linda Megdiche