Par Slim BEN YOUSSEF

Recrutement direct ; franc ; immédiat ; par tranches annuelles consécutives. A chacun son tour. Par ordre de « mérite ». Nul n’est censé ignorer la Loi, surenchérira, d’ailleurs, Ghannouchi, soit dit en passant. Adieu chômage et emploi précaire ! Au nom de la Loi, nous revoilà –sans coup férir- désormais servis.

Fort en thème, Kaïs Saïed n’y va pas par quatre chemins pour crever l’abcès. La Loi 38 n’est pas seulement sujette à caution, c’est une loi qui « vend des rêves » ; il s’agit, même, d’un odieux attrape-nigaud. Il faut l’abroger. Tourner la page. Et passer son chemin. Sans autre forme de procès. Sans plus attendre. Sans trop s’attarder à discuter des raisons. A quoi cela nous avancerait-il, de toute façon, qu’une loi datée seulement de 2020, ultra-populiste s’il en est, malintentionnée et qui plus est inapplicable, reste, de tout temps, lettres mortes ? Si ce n’est, uniquement, pour se tendre en guet-apens et prendre à la gorge tout gouvernement « qui vive ». Une loi imaginée, concoctée puis adoptée par une ARP, hier omnipotente, aujourd’hui désarçonnée, qui se faisait son malin plaisir –il ne faut surtout pas l’oublier- à rouler toute la Tunisie dans sa farine.

Soyons honnêtes : peut-être, Saïed n’aurait-il pas dû la signer, cette Loi, depuis le début. Le précédent, feu Kaïd Essebsi l’avait déjà créé en refusant de promulguer le texte législatif inhérent au code électoral. Et l’histoire aurait pu s’arrêter là.

Peut-être, aussi, se trouvait-il, lui-même et comme tout le monde, à ce moment-là, quelque part leurré. Après tout, cette Loi 38 n’est autre qu’un leurre.

Son mérite, du moins, au Président, c’est d’avoir conclu à prendre le taureau par les cornes. D’avoir été, en somme, franc comme l’osier. Quitte, bien sûr, à devoir subir de plein fouet –et pour un certain temps ?- les inéluctables contrecoups sociaux d’une telle résolution. Grogne, tout à fait légitime ; peut-on, d’ailleurs, y échapper ? Reste, qu’en accédant –effectivement- au pouvoir, un certain 25 juillet, Kaïs Saïed apprend, chemin durant, à sillonner les avenues de ce « pouvoir », ses tours d’adresse ou de force, de grâce ou de boniments, ses équilibrismes et acrobaties. D’après certains, abroger la Loi 38 serait, aussi, un clin d’œil au FMI. Peut-il, en outre, y échapper ? Antony Blinken s’impatiente; lui, Saïed ne fait que gagner du temps. Parce qu’il cherche l’alternative, s’il n’aime pas trop le FMI. Le budget, en tout cas, poireaute encore sur des charbons ardents : il faudrait rapidement le renflouer !

Son mérite, en somme, au Président, c’est d’avoir –enfin, semble-t-il- « compris » ce que c’est que de « gouverner ». Saturé jusqu’à la pléthore, décennie nahdhaouie durant, le secteur public, tous dossiers confondus, gagnerait, aujourd’hui, à être revu « à la loupe ». Jour par jour. Année par année. Parce que, pour crever –vraiment, mais vraiment- l’abcès, Kaïs Saïed est tenu de franchir très vite un palier. Et en finir avec une décennie de clientélisme, de clochardisation de l’Etat et d’affamement du peuple.