L’agence de notation Moody’s a abaissé la note de souveraineté de la Tunisie. Ainsi, la Tunisie dégringole de la note « B3 à perspectives négatives » à « Caa1 ». Il s’agit d’une note attribuée aux pays appartenant à la catégorie « Risque élevé » dans le non-remboursement de la dette. Tout le monde est unanime que c’est une hécatombe. L’économiste Moez Laabidi a déclaré au journal le Temps news et au Temps , que la surprise n’est pas dans la dégradation de la notation pour la Tunisie, mais ce qui est surprenant c’est dans le timing de la publication de cette note. Il a été prévu d’attendre la publication du projet de loi des finances 2022 afin de savoir ce qu’elle va apporter en terme de réformes. M. Laabidi a souligné que Moody’s a sanctionné l’avant 25 juillet 2021.

La situation  est embarrassante pour la Banque Centrale

«  Le gouvernement Bouden peine à prendre les commandes de l’Etat. Cette dégradation aura certainement son impact. Cette baisse de notation va pénaliser l’investissement privé. Pour l’investissement étranger, c’est foutu. La croissance va rester encore dans des niveaux faibles. La baisse des investissements va engendrer des pressions baissières sur le dinar, résultat de l’assèchement de liquidité générateur d’une inflation importée. L’inflation de plus en plus élevée rend la croissance économique déséquilibrée et provoque ce qu’on appelle « la stagflation », situation où coexistent à la fois l’inflation et le chômage. La situation  est embarrassante pour la Banque Centrale », a-t-il expliqué.

Moez Laabidi estime aussi que le risque d’avoir une inflation plus élevée est là, compte tenu du retour de la croissance mondiale.   Il a dressé un bilan quant à l’évolution des prix : Entre février 2020 et 21 août 2021, le coût de transport maritime en hausse de +482%, le pétrole (+120%), les produits alimentaires de base (+147%), les métaux (+167%).

Une feuille de route claire

Sur la même longueur d’ondes, l’économiste signale que le gouvernement actuel se trouve dans l’obligation de préparer une feuille de route claire qui tiendra la route en termes de réformes tels que l’assainissement des finances publiques : «  Il est inacceptable qu’en période de crise, l’Etat continue de dépenser au même rythme que dans un état financier équilibré ! », s’étonne-t-il.

Laabidi relève aussi la nécessité de lancer le contrôle de la masse salariale. « En termes des recettes de l’Etat, le gouvernement doit s’inscrire avec force dans la transition digitale afin d’améliorer la qualité du recouvrement fiscale. Egalement, l’Etat doit s’inscrire en urgence dans la transition énergétique. L’objectif c’est de réduire à la fois les subventions énergétiques et la facture d’importation des carburants (qui représente le 1/3 du déficit global) ».

L’autre volet sur lequel devrait travailler le gouvernement Bouden pour réduire les dépenses publiques, il faut imposer les normes de la bonne gouvernance dans les entreprises publiques.

Les DTS sont orientés vers le paiement des salaires

L’économiste insiste sur la nécessité d’engager les réformes relatives à l’insoutenabilité de la dette, c’est la porte d’entrée pour rétablir la confiance avec les bailleurs de fonds.

Et d’expliquer : «  la pierre angulaire de la dégradation de la notation de la Tunisie, c’est l’insoutenabilité de la dette tunisienne. Surtout que plusieurs indicateurs ont montré que l’économie nationale souffre d’un stress financier. A titre d’exemple : les allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) attribuées par le Fonds Monétaire International (FMI) à l’Etat tunisien dans le cadre de son programme général de 650 milliards de dollars, ont été détournés pour le paiement des salaires alors qu’ils sont encaissés pour atténuer les effets de la crise covid ».

La L.F 2022 doit présenter une série de réformes convaincantes pour le FMI

Par ailleurs, l’économiste a fait savoir que le FMI ne peut pas signer un accord avec un gouvernement provisoire. Ce qu’il faut faire, ajoute Laabidi, c’est de présenter à travers la L.F 2022, une série de réformes convaincantes pour le FMI. L’objectif, c’est de remettre le pays sur la voie de la soutenabilité de la dette. Au cours de la période transitoire, il n’y aura pas d’accord avec le Fonds monétaire international. Mais, le FMI pourra être l’intermédiaire avec les autres bailleurs de fonds et faciliter les aides financières. Il sied de noter que les autres bailleurs de fonds se sont alignés sur le verdict du FMI.

En bref, Moez Laabidi appelle à engager un dialogue national franc et sans lignes rouges sinon le pays va rester dans la déformation.

Khouloud AMRAOUI